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Mireille

"Confidences d’une  maman

Le jour où j’ai compris qu’elle était un BABI (bébé aux besoins intenses, anciennement on disait un bébé au tempérament difficile), j’ai compris que tout ce qui se passait n’était pas dû au fait que j’étais une mauvaise mère.

On est dans une société de performance où on l’on veut à tout prix exceller dans ce que l’on entreprend. On veut des bébés parfaits qui s’adaptent  à nous et non l’inverse afin de déranger nos vies le moins possible. Qu’en est-il lorsque bébé ne s’adapte pas? Ça doit forcément être la faute du parent, c’est si simple d’élever un enfant!

J’ai connu la lune de miel avec ma fille lors de ses 2 premières semaines de vie. Elle dormait paisiblement et surtout, facilement. Par la suite, elle a commencé à pleurer. Heu non, pardon, pas pleurer mais bien HURLER! Ma fille ne commençait jamais à se tortiller doucement pour nous manifester un inconfort et pleurer progressivement jusqu’à ce qu’on trouve ce qu’il y avait. Elle hurlait d'un coup, avec une telle intensité, une telle détresse qui ne pouvait nous laisser indifférent. Elle hurlait de la même façon qu’une personne hurle en tombant d’un précipice. Elle devenait rouge tomate et avait des spasmes du sanglot à tout coup. À chaque jour, je devais inventer une nouvelle façon pour calmer ses pleurs car ce qui fonctionnait un jour devenait un échec le lendemain. Par la suite, on a découvert qu’elle souffrait de reflux gastriques. Elle a reçu un traitement pendant 8 mois pour ce problème. En même temps, elle faisait une intolérance aux protéines bovines. On a donc cessé l’allaitement pour lui offrir un lait adapté à sa condition. Deux mois venaient de s'écouler jusqu'ici. On a aussi consulté un chiropraticien et un ostéopathe. Une fois tous les problèmes de santé réglés, Lily continuait de hurler sans qu’on comprenne pourquoi. Alors, on la prenait dans nos bras et on s’en occupait du mieux que l’on pouvait. Nous ne sommes pas de ces parents qui croient en "le laisser pleurer". Nous croyons profondément que chaque pleur du bébé est relié a un besoin particulier et qu'il est dans notre devoir de parent d'y répondre. Chez nous, avant l'âge de 18 mois, âge à lequel les structures du cerveau permettant la manipulation se développent, les caprices n’existent pas. Donc chaque fois que Lily pleure, nous sommes là pour elle.

Avec Lily, c’est comme si à chaque 5 minutes on devait réinventer la roue. 5 minutes sur le tapis d’éveil ensuite elle hurle, elle en a marre. 5 minutes dans le fauteuil vibrant ensuite elle hurle, elle en a marre. 5 minutes dans nos bras ensuite elle hurle, elle en a marre. Ma maison était devenue des minis stations d'occupation de bébé. Je n’avais plus une seule minute de libre par jour car mon temps était consacré à prévenir et gérer les crises de ce petit être. Comme elle pleurait souvent, oui j'en étais rendue à faire des pieds et des mains pour qu'elle cesse de hurler dans mes oreilles. J’étais épuisée et très souvent, je me suis demandée « Mais pourquoi ais-je voulu un enfant? ». Je me sentais tellement coupable de penser ça mais le peu de mamans que j’avais connu autour de moi semblaient tellement bien se débrouiller avec les leurs que je me disais que c’était moi qui ne l’avait pas. Combien de fois ais-je pleuré en me disant que je n’étais pas une bonne mère! D'autant plus qu'autour de moi, plusieurs auraient tout donné pour être à ma place et avoir un enfant, je ne pouvais donc pas regretter mon choix. Je voulais un enfant oui, en sachant qu'un bébé ça pleure par moment et que ce n’est pas toujours rose. Mais c'est beaucoup plus que ça qui m'attendait...Nos proches avec leurs questionnements «as-tu essayé tel ou tel truc » ne se rendent pas comptent qu’ils ne font que valider le fait que je crois être une mauvaise mère. Ce n’est pas leur faute, ils veulent seulement aider…Des trucs, on en a tellement essayé qu’on pourrait écrire un livre complet sur le sujet! Lily était un bébé difficile, voilà tout. Pas besoin de chercher des réponses de midi a quatorze heures! Elle était comme ça, point final merci bonsoir! Même en lisant les descriptions des BABI sur internet, je ne peux pas dire que je reconnaissais ma fille à 100%. Ce qui n’aidait pas ma cause à ne plus croire que je n’étais pas la cause du caractère de mon enfant. Aujourd’hui, 15 mois plus tard, je sais que ma fille est un bébé difficile et ce, même si elle ne correspond pas à la description exacte du BABI. Le BABI vient aussi avec sa dose d'isolement. Il y a beaucoup d'activités qu'on ne peut plus faire car Lily pique des colères et on doit l'avoir constamment dans les bras. Elle tolère le porte-bébé quelques minutes seulement donc ça devient épuisant de l'avoir dans les bras. On évite aussi de plus en plus les autres pour éviter "les fameux trucs" et par peur de se faire juger. Comme on refuse les sorties, on sait qu'on se fait juger quand même. Mais on se dit que c'est quand même moins pire que de l'avoir dans les bras en la changeant de position aux 10 secondes. On avait l’impression que notre petite fille était un adulte emprisonné dans un corps de bébé. C’est comme si pour elle, rien n’allait assez vite. Nous asseoir 15 minutes et discuter avec quelqu’un tout en ayant bébé sur les genoux, pour nous c’était impossible. On ne pouvait même pas le faire 5 minutes. On a passé les 8 premiers mois de sa vie à l’avoir dans nos bras, debout et dansant une danse imaginaire comme si nos pieds étaient sur des ressorts. On s’en est fait des muscles de bras à force de la tenir! Quand elle buvait son lait, il ne devait pas y avoir un seul bruit, on ne pouvait même pas discuter calmement près d'elle faute de quoi elle commençait à pleurer et cesser de boire! Caprice vous dites? Eh bien non, ce n'est que son besoin de calme qui est plus intense que les autres bébés.

Les dodos étaient ma guerre à chaque jour. Elle refusait de dormir tranquillement comme tous les autres enfants. Elle acceptait seulement de dormir dans la poussette à l’extérieur. Durant 8 mois, été comme hiver, je promenais mon bébé 2 fois par jour à l’extérieur pendant 15 à 45 minutes afin de l’endormir pour une sieste. Fou tu dis? Il n’y a que ça qui fonctionnait! Le soir, je passais d’une  à deux heures dans la chambre à l’avoir dans les bras à essayer de l’endormir. On devait l’emmailloter pour éviter qu’elle ne lutte et s’acharne à combattre le sommeil. Elle a été emmaillotée jusqu’à ses 8 mois environ car elle était incapable de contrôler les mouvements de son corps. Sans emmaillotement, elle commençait à battre des jambes et des bras sans arrêt et finissait par être en panique et hurlait. Encore aujourd'hui, les dodos sont une bataille au quotidien. Cela fait plus de 2 mois que nous essayons de l'endormir seule avec une technique qui ressemble sensiblement au 5-10-15 que nous avons adapté selon notre tolérance à la laisser pleurer. Au début, ça prenait jusqu'à 1h30 avant qu'elle s'endorme. Aujourd'hui, si elle s'endort en une heure on se dit que c'est une bonne soirée. Ça demeure toujours difficile et parfois, mes oreilles n'en peuvent plus de l'entendre hurler. Ces soirées-là ne sont pas évidentes pour le moral. Je me dis que j'ai échoué à quelque part et que tout ça est de ma faute. C'est juste un bébé après tout hein?!!  Je n'arrive plus à voir la situation avec détachement et je pleure, je suis découragée et j'ai envie de tout lâcher.

Lily a marché lors de ses 10 mois. À partir de cet instant, elle pleurait beaucoup moins. Elle devenait de plus en plus autonome. Je te dirais que le BABI commence vraiment à disparaître et nous laisse découvrir une merveilleuse petite fille qui ne cesse de nous émouvoir jour après jour. Lorsqu’elle est malade ou fatiguée, les traits du BABI ressortent. Elle redevient aussi intense qu’elle pouvait l’être auparavant. Elle est d’une humeur massacrante et pleure, grogne et hurle pour un rien. Par contre, maintenant, on sait que c’est temporaire et que ce n’est qu’une question de temps avant qu’on retrouve notre petite fille joyeuse.

Si ça n’avait pas été du soutien de mon chum et de l’aide de ma mère, je ne sais pas dans quel état serait ma tête et mon corps aujourd’hui. Cette petite est le plus grand défi de ma vie. Elle fait sortir à la fois tout ce qu’il y a de meilleur mais aussi le pire de moi-même. Cependant, elle est mon plus grand trésor et mon plus grand amour. Elle est curieuse et éveillée, beaucoup plus que les autres enfants. Elle est vive et intelligente. Elle est câline et charmeuse. Elle est Lily ;) Ma lily!

De plus en plus, nous commençons à faire des petites sorties. Ça nous permet de reprendre confiance en nos compétences de parents et ça, ça fait beaucoup de bien! On y va selon la tolérance de Lily. Parfois, on sait qu'on peut juste sortir une heure et revenir à la maison car elle est fatiguée ou pour tout autre raison. Ce n’est pas toujours facile de justifier aux autres pourquoi on se limite ainsi dans nos sorties...Sans mauvaises intentions, les autres ont tendance à dire "Ben oui mais elle fera la sieste ailleurs que chez vous et c'est tout!"...Non, si Lily ne dort pas à la maison, elle dort très peu et après, on paie de son humeur jusqu'à son heure de coucher et parfois même toute la nuit suivante. Lily est très fragile aux changements dans sa routine et quand on y déroge trop, elle nous le fait sentir par ses hurlements et ses pleurs. Elle est très sensible à la surstimulation et ça c'est un facteur qu'on contrôle difficilement quand on est plus à la maison. On a bien essayé de ne rien changer à nos habitudes et de se dire qu'elle allait s'adapter à notre rythme et non l'inverse, mais si on en est rendu là, c'est que cela n'a pas fonctionné. Oui on se prive de beaucoup de choses, oui on fait beaucoup de sacrifices, oui on aimerait ça qu'elle s'endorme n'importe où, oui on aimerait ça pouvoir s'asseoir et jaser pendant qu'elle joue paisiblement près de nous...Mais la vie ne nous a pas donné ce genre de bébé...  

N'allez pas croire que je retiens que du négatif de la première année de Lily. Chaque petit sourire, chaque petit câlin, chaque petit bisou m'auront donné la force de continuer mon travail de maman jour après jour. Ma fille est la personne qui me rend le plus fière! Elle m'aura permis d'apprivoiser le lâcher-prise, grand défi personnel de ma vie. Elle m'aura appris à voir la vie un jour à la fois. Elle m'aura appris à ralentir. Elle m'aura aussi permis de me valoriser dans mes forces telles que la douceur et l'empathie. Être maman aura été pour moi le travail le plus difficile de ma vie mais aussi le plus merveilleux, le plus gratifiant et le plus important. Et c'est pour cette dernière raison que j'ai envie de recommencer l'expérience au risque de tomber sur un ptit babi #2. Car comme je le dis souvent, il n'y a que l'amour qui compte.

Lily aura été un immense défi pour notre couple aussi. Dernièrement, lorsqu’on a commencé à endormir Lily dans son parc, Dominic et moi on s’est rendu compte que ça faisait plus d’un an qu’on ne s’était pas parlé. Il y en avait toujours un enfermé dans la chambre avec elle pour la soirée afin de l’endormir. Quand on en ressortait, il restait un peu de temps pour se laver et se coucher. On survivait et c’était tout. On n’a pas pu être un couple pendant tout ce temps. Pour ma part, juste de m’asseoir avec Dominic m’épuisait. Et bien souvent, je me retenais pour ne pas lui faire milles et un reproche car j’avais l’impression que tout reposait sur mes épaules. Juste de garder mon contrôle et de ne pas lui éclater ça au visage à tous les soirs me demandais tout mon petit change. Je choisissais donc de ne plus lui parler, c’était plus facile ainsi. De temps en temps, le presto sautait. Dominic revenait du travail chaque jour stressé de ne pas savoir ce qui l’attendait. C’était loin d’être un climat agréable.

Avant d'avoir un bébé, on  était loin de l'avoir eu facile. On a passé à travers beaucoup d'épreuves mais on en est toujours ressorti gagnant et plus fort. La naissance d'un enfant été loin de nous faire peur. Pourtant, depuis sa naissance, le nombre de fois où on a failli se perdre mon chum et moi...oufff, on n’a pas assez de doigts pour les compter. Cela tient du miracle que nous soyons encore ensemble aujourd'hui. En fait, le miracle, c'est lui, le papa de Lily. En un an, semaines après semaines, il n'a cessé de faire des efforts et se relever les manches pour me prouver qu'il pouvait être à la hauteur. Il a été mon espoir lorsque je n'y croyais plus en ne nous abandonnant pas. Il a refusé de jeter la serviette et ce, malgré toute les fois où il recevait un crochet par la droite alors qu'il avait déjà les genoux sur le tapis. Il a été persévérant par amour et aujourd'hui, je l'en remercie car c'est grâce à ça que nous sommes toujours une famille.

Un autre pilier important cette année dans cette histoire aura été ma mère. Elle a été là, pour nous aider, nous épauler, sans jamais nous juger ou nous remettre en doute malgré toute son expérience de maman. Sans son aide et son support au quotidien, je ne crois pas que je m'en serais sortie indemne. À un moment ou à un autre, j'aurais fini par y laisser ma tête j'en suis certaine. J’aimerais tant que tous puissent mesurer l’ampleur de ce qu’elle nous a apporté au cours de ces 15 derniers mois. Elle est mon  héroïne. Plus que jamais, je connais la valeur de ce qu’elle m’a offert comme maman. Elle a été et elle sera pour toujours une personne significative pour ma fille. Je sais qu’elle pourra toujours compter sur elle. J’ai le profond sentiment qu’elle ressent autant d’amour pour ma fille qu’elle peut en ressentir pour moi. Elle est capable d’une tendresse infinie pour Lily. Elle a toujours été là pour me rappeler une phrase bien importante, "cela ne dure qu'un temps". Plus le temps avance et plus je me rends compte qu'elle a bien raison. Elle m'a aidé à voir la situation avec recul. Elle a été une épaule pour pleurer quand j'étais au bout du rouleau. Elle était là pour célébrer chaque petit moment important de la vie de Lily. Elle a été ma maman plus que jamais. Et pour tout ça, jamais je ne lui dirai assez merci. J'ai tjrs pensé que ma mère était exceptionnelle. Aujourd'hui, je ne le pense plus, je le sais !"

 

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